"les damnés des tourbes", historique

Raté !
Zvorak Menchov se souvenait de toutes les variations d’intonations de ses professeurs, tous les synonymes de raté, de tous les regards désespérés que les autres élèves et les professeurs lui lançaient.
Pourtant, en terme de raté, il était bien ce lui qui avait réussi. Il n’en doutait pas l’espace d’un instant, et il le prouverait à tous, lors de son GRAND retour.

Raté !
Déjà, tout petit, personne ne voulait croire en lui, alors qu’il n’était qu’enfant. Enfant jeune, toujours chétif, il était le souffre-douleur des autres enfants de son âge, dans sa ville lointaine, perdue de tous, des hommes comme des dieux, à l’extrême est de l’Empire. Tous le considéraient comme un homme de piètre qualité, même le précepteur du bourg, payé par l’Eglise de Shallya. Tous, sauf ses parents. Commerçants pas trop aisés, il acceptèrent de lui accorder leur confiance, et leurs maigres économies, parce qu’ils croyaient en lui, et aussi parce qu’il état leur seul enfant.

Raté !
Une fois qu’il eut trouvé une école de magie qui veuille bien de lui, il dût faire le trajet à pied, vivant de rapines, dormant dans des granges paysannes, partant suffisamment tôt pour ne pas être vu. Un long trajet, très long trajet, jusqu’à ce qu’il arrive à Nuln, enfin ! Le chemin avait été si long qu’il ressemblait à un clochard quand il arriva. Il eut alors toutes les peines du monde à se faire accepter comme étudiant dans cette école de magie minable, de seconde zone. Nuln était connue pour être la ville du Fer et de l’Acier, des calculs balistiques et la mécanique de précision, alors l’école de magie de la Vie de Nuln n’était pas dans les plus renommées, loin de là, mais elle était la seule à l’avoir accepté, lui et son maigre pécule. Tout ça pour voir le Grand Maître se précipiter sur sa bourse, le reléguer dans les combles avec une vieille paillasse comme seule couche, et pour se faire traiter de

Raté !
Il apprenait aussi bien qu’il le pouvait, retenait et s’appliquait à « répéter » les gammes magiques qui devaient faire de lui un magicien de la Vie. Mais lui en voulait plus, il voulait découvrir, il voulait apprendre, et voulait tester par lui-même, ne voulait pas reproduire les sorts ancestraux mais tordre les vents de magie pour réaliser ses propres miracles. Mais

Ratées !
C’est ainsi que ses professeurs traitaient ses expériences, ainsi qu’ils se moquaient des essais qu’il tentait, qu’ils se gaussaient de ses pathétiques tentatives pour redonner la vie au moindre échec. Pourtant, il savait qu’il était très proche de la réussite, et, quand il parvenait à greffer une patte de grenouille et qu’elle prenait vie fixée au corps d’un crapaud, il se sentait d’une puissance extrême.
Par contre, dès le lendemain, ses maîtres se riaient de lui, lui disaient que la magie de la Vie ce n’était pas cela, et que Zvorak prenait un mauvais chemin.

Raté !
Et pourtant, il se savait tout proche, quand il percevait les battements faibles de vie durer quelques secondes, avant que le mince fil ne se casse, et que sa création ne s’écroule au sol. Il faisait pourtant attention, il entraînait une prostituée, la payait grassement pour qu’elle absorbe sa potion, celle qui la conduisait aux portes de la mort. Puis, dans une cave sordide, il démembrait la femme, avec précaution, avec attention, puis il lui ajoutait les bras et les jambes d’un clochard mort sous un pont. Il était attentif à garder cette femme en vie, jusqu’à ce qu’il lâche lentement la tension de ses sorts qui la gardaient vivante, pour espérer la voir survivre, et enfin vaincre la mort.
Mais…

Raté !
Il ne réussissait jamais, il était proche de la victoire quand un répurgateur tomba sur sa trace, et il ne dût sa survie qu’à un coup de chance exceptionnel. Il vit cet homme étrange, dans la cour de l’école, avec un chapeau si large qu’on ne voyait que lui depuis l’étage où il se situait. Mais il ne douta pas un instant. Le répurgateur était là pour lui, il avait dû trouver la cinquantaine de cadavres dans la cave du « Chat qui pète », un bouge qui avait fermé depuis bien longtemps. Zvorak sauta du quatrième étage de l’école de magie, de ses combles, et il manqua de se briser les deux jambes s’il n’était tombé dans une fosse à purin.

Raté !
Il avait espéré voyager incognito dans cette caravelle qui l’emmenait loin. Passager clandestin, il avait su se faire discret dans ce rafiot qui apportait vivres et bras dans le lointain comptoir de Kirk. Une rafiot qui avait remonté le fleuve puis prit la mer. Autant dire le pire confort qui soit.
Il grappillait de ci de là quelques pommes, une quignon de pain, ou un rat pas trop rapide. Mais il ne put résister à ses tentations morbides et, quand, à la suite d’un orage violent, un mousse se fit fracasser le crâne par une poulie, il sauta sur l’occasion qui lui était donnée. Il rampa dans les couloirs du navire jusqu’à la cale où était conservé le cadavre, puis il essaya de lui redonner vie. Il réussit presque, grâce aux nouveaux sortilèges qu’il avait concoctés. Il vit le cadavre se relever, mais il ne put lui parler, le cadavre restait sans vie, il était seulement aux ordres de Zvorak.

Raté !
Il tenta de s’amuser, de voir l’étendue de ses pouvoirs. Il put berner quelque temps l’équipage qui resta coi de voir leur jeune mousse se relever deux jours après avoir été déclaré mort, avec du sang séché sur sa plaie béante qui révélait une partie de son cerveau. Pourtant, même si le mousse ne parlait plus, il marchait, travaillait, mangeait, et obéissait. En fait, il obéissait aux désirs de Zvorak, et cela, c’était enfin l’accomplissement du magicien. Il pouvait commander, sans qu’on le traite de…

Raté !
Le stratagème ne dura guère cependant, car le corps du jeune homme commença vite à pourrir, et il obéissait de moins en moins à mesure que la rigidité le rattrapait. Alors que Kirk était en vue, le bras du mousse se décrocha et tomba sur pont qu’il était en train d’astiquer. Tous les membres d’équipage poussèrent un cri comme un seul homme, et passèrent par les armes le zombie. Ils se décidèrent à fouiller le navire de fond en comble alors que le ponton n’était qu’à quelques encablures.
Zvorak sortit de sa cachette et, dans un rire tonitruant, il releva le mousse décédé et les cadavres de rats du bateau et le fit charger les marins, avant de plonger dans les eaux froides et le brouillard matinal d’Albion.

Ratée !
Son arrivée sur le nouveau monde n’était pas la réussite qu’il espérait, mais il avait longtemps étudié sur cette terre étrange, et sur un des peuples reculés qui le peuplaient. Des autochtones primitifs, prêts à devenir le peuple que Zvorak aspirait à diriger.

Son plan était simple, clair, limpide : il allait soumettre une de ces peuplades, la priver de nourriture et d’eau, la réduire à une telle déchéance qu’elle devrait devenir cannibale pour survivre et, une fois habituée au sang humain, elle deviendrait contrôlable. Un sort bien lancé et ses « goules » deviendraient ses esclaves, ses troupes prêtes à tout pour pouvoir goûter au papillotement d’un cœur arraché d’un ennemi vaincu, pour boire à la fontaine de vie d’une gorge déchiquetée. Ensuite, ensuite, il relèverait les morts des tourbes, ces Pictes et ces Angles qui se sont battus voilà des siècles et des siècles, et, peut-être avec un peu de réussite, pourrait-il retrouver un de ces vampires de lignées oubliées depuis longtemps.

ici le compte-rendu légèrement adapté de celui officiel (message subliminal au fufu)

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